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Varia

Administrer le CNRS... toute une histoire! Le CNRS dans les années quatre-vingt-dix: une stratégie et des programmes

La stratégie du CNRS est le fruit d’un dialogue permanent qui tienne compte du chercheur et du politique, qui respecte le fait que chaque chercheur, chaque laboratoire, chaque Département scientifique ait sa stratégie et que l’organisme doive élaborer une stratégie globale de la recherche française.
Administrating the CNRS - what a story! The CNRS in the 90’s: one strategy and many programs
Jacques Bordé and Jacques Sevin
p. 6-20

Abstracts

After a brief reminder of the CNRS’ strategic thinking in the 1980’s, the general context for scientific policy in 1993 and the impetus given by the CNRS strategic plan are presented. The concepts of basic, applied and finalised research are clarified in order to understand the necessary balance between scientific push and societal pull to define strategic choices. A new strategic analysis method, designed to elaborate the 1996 strategic plan, is described; it associates the Comité national of evaluation and leads to many scientific priority programs. Finally, attention is turned to the period after 1996 and its lack of continuity is mentioned.

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Full text

Introduction (Jacques Bordé)

1En 1993, le directeur général, François Kourilsky, me propose de créer et diriger, sous l’autorité de Jacques Sevin, un Service d’analyse stratégique. Durant huit ans à Londres, j’avais rédigé des notes analysant la politique scientifique britannique et j’avais, un an plus tôt, été le « sherpa » de François Kourilsky pour organiser le G7 consacré à la recherche, réunion qui fait le tour des questions stratégiques que se posent les directeurs généraux d’organismes de recherche des pays du G7.

  • 1 Campus n°16, janvier–février 1996, supplément consacré à la DSP.

2Le Service d’analyse stratégique (SAS) est de taille modeste : Pascal Croset, docteur en sciences de la gestion, et une secrétaire m’y ont rejoint, mais cette petite équipe travaille au sein d’une grande Direction de la stratégie et des programmes (DSP), dirigée par Jacques Sevin1. Cette Direction comportait également le Service de programmation des moyens, qui élaborait le plan pluriannuel chiffré pour l’ensemble du CNRS (crédits et emploi), le Service de politique régionale, ainsi que la coordination des programmes interdisciplinaires et l’UNIPS (Unité d’indicateurs de politique scientifique). Par ailleurs, la DSP coordonnait la politique des Très grands équipements scientifiques (les TGE) ainsi que le Comité d’organisation d’orientation des moyens informatiques (le Comi).

3Ainsi, cette Direction de la stratégie et des programmes incarnait la politique transversale, transdépartementale. À ce titre, elle répond à la volonté du directeur général que les politiques des départements scientifiques soient coordonnées et mises en cohérence par une direction transversale, une structure horizontale forte qui assure la mise en œuvre d’une politique d’organisme transcendant celle des départements. En effet, de nombreuses questions de politique scientifique dépassaient le cadre d’une seule discipline.

4Dans un premier temps, Jacques Sevin nous expliquera ce qui était déjà fait en termes de stratégie et de programmes avant 1993 puis je rappellerai le contexte en 1993 au moment de la création du SAS. Je reviendrai ensuite sur le schéma stratégique de 1993 et sur son impact, avant d’évoquer la préparation du schéma de 1996 et de livrer une conclusion.

Regard sur la stratégie au CNRS avant 1993 (Jacques Sevin)

5Pour les années antérieures à 1993, je m’attacherai à vous présenter les faits les plus marquants. Il convient d’examiner l’origine de la stratégie du CNRS, ainsi que la démarche qui a mené à son élaboration. Je note deux périodes fortes, dans les années quatre-vingt, qui ont été très différentes de par leur esprit.

6La première période, après 1982, sous la houlette de Pierre Papon, a celle d’une grande évolution. L’attitude générale qui prévalait au sein du CNRS était alors de faire évoluer l’organisme afin qu’il tire parti de la loi de 1982. Cette loi, très favorable à la recherche, ouvrait des perspectives très intéressantes sur plusieurs plans, y compris au niveau du financement des laboratoires et des relations entre la recherche et l’industrie. Par ailleurs, elle traduisait en droit la reconnaissance de la spécificité de la recherche. Pierre Papon avait réellement à cœur de traduire la loi de 1982 au sein du CNRS.

7Je situe la deuxième période à l’arrivée de François Kourilsky, en 1988. À ce moment, le point de vue général est de doter le CNRS d’une véritable stratégie d’organisme, que l’on peut illustrer à travers quelques mots-clefs. Dans la définition du positionnement du CNRS, je relèverai deux points forts : son caractère omni-disciplinaire, qu’il est le seul à détenir, et sa dimension. On n’a cessé, pendant des années, de considérer que le CNRS était « trop gros ». J’ai toujours trouvé ce raisonnement bizarre. François Kourilsky estimait pour sa part que la taille du CNRS lui donnait une dimension européenne et internationale.

8La cohésion était également une force du CNRS dans la définition de sa stratégie. Premièrement, au niveau scientifique, l’idée de François Kourilsky était de donner plus d’autonomie et de responsabilités aux directions scientifiques, mais dans le cadre d’une stratégie globale, parce qu’une vue d’ensemble était impérative. Deuxièmement, il fallait rompre avec cette séparation, que je n’ai jamais trouvée bonne, entre les scientifiques et l’administration du CNRS. Tous les agents du Centre devaient se sentir partie prenante de la stratégie de l’organisme. Un certain nombre de mesures ont été prises pour régler cette situation par la suite. Je note avec intérêt que dans les jours qui ont suivi son arrivée, François Kourilsky a multiplié par quatre le budget de la formation permanente au sein du CNRS. Cela traduisait sa volonté que les agents développent leurs compétences et leurs talents. Une Délégation des ressources humaines a été créée dans ce même esprit. Par ailleurs, des moyens ont été mis en œuvre pour reproduire cette cohésion au niveau des territoires régionaux où le CNRS intervenait.

9Je pense que la stratégie commence et se termine par l’évaluation. Un regard extérieur critique était nécessaire pour évaluer l’action du CNRS, et j’ai préparé la création de la mission des audits, suivant un schéma classique - un membre de la direction générale commandite un audit, qui est confié à un intervenant extérieur ; l’audit se déroule librement, le service concerné apporte ses éléments de réponse, puis les analyses et conclusions intégrales de l’audit sont publiées. Le premier audit a porté sur les raisons du délai d’un an et demi pour remplacer un ITA qui partait à la retraite, événement pourtant facile à anticiper. Malheureusement, cette démarche des audits externes n’a pas vécu très longtemps…

10Jacques Bordé vous reparlera de l’interdisciplinarité au CNRS. Pour évoquer cette dimension, je citerai pour ma part la tenue du premier séminaire de la Direction générale sur l’interdisciplinarité à Biarritz d’où sont sortis de nouveaux programmes dont le très important programme sur l’ingénierie des macromolécules biologiques (IMABIO) à l’initiative du directeur des Sciences de la vie, Claude Paoletti.

11S’agissant de la dimension régionale du CNRS, l’idée était de rééquilibrer sur le territoire les potentiels de recherche - deux tiers d’entre eux se situaient alors en région parisienne. Le CNRS avait intérêt à développer dans chaque région des interactions fortes avec les responsables locaux pour y faire vivre la recherche.

12Cette volonté de rééquilibrage a donné lieu à des décisions fortes : alors que chaque année, deux-tiers du recrutement s’effectuaient en région parisienne, il a été décidé que, dès 1993, le recrutement devait se faire pour moitié en province et pour moitié en Île-de-France. L’objectif, peu populaire, a néanmoins été atteint. Cette transformation dans la méthode de recrutement s’est jouée alors qu’Édith Cresson était Premier ministre, et que de nombreux organismes publics se voyaient délocalisés en province. Avec François Kourilsky et Jean-Marie Bertrand, secrétaire général, nous avons fait valoir que nous ne délocalisions pas, mais que nous faisions du développement en région. En effet, un laboratoire, s’il est délocalisé, n’est plus le même laboratoire car son équipe change. Nous avons investi des sommes importantes dans la construction de laboratoires en province. En accord avec les autorités publiques, nous avons réussi en même temps à transférer le siège du CNRS du septième au seizième arrondissement de Paris, ce qui était un exploit en cette période de délocalisation !

Le contexte de 1993

13Le contexte qui prévalait en 1993 exigeait en effet que le CNRS renforçât sa capacité d’analyse stratégique.

Contexte de la politique scientifique mondiale

  • 2 John Ziman, Prometheus Bound: Science in a dynamic steady state, 1994, Cambridge University Press, (...)

14À cette époque, au niveau mondial, la fin de la guerre froide ne permet plus de justifier le niveau de financement des dépenses de recherche par les besoins de la Défense et de la Sécurité et impose de trouver un nouvel équilibre entre le civil et le militaire. Aux États-Unis, elle signe l’arrêt de la pertinence du rapport Vannevar Bush, qui avait inspiré toute la politique scientifique américaine depuis 1945. On constate qu’à cette époque, la recherche, dans tous les pays du monde, est entrée dans ce que John Ziman2 a qualifié de « steady state policy », et qui se traduit par un financement constant de la recherche scientifique, limité à 2 ou 3 % maximum du PIB. Cette limitation dans le budget appelle à fixer des priorités dans les dépenses scientifiques qui ne cessent, elles, d’augmenter, notamment par la sophistication croissante des instruments.

Contexte européen

15Au niveau européen, le contexte a également énormément évolué au début de cette décennie. Les PCRD (Programmes cadres de recherche et de développement) de la Commission européenne, lancés en 1983, ont notablement influencé la politique de recherche européenne, et ont un effet de levier important sur le choix des thèmes de recherche des laboratoires français. François Kourilsky, déjà très sensible aux questions de mondialisation par sa participation personnelle au G7, avait la volonté d’établir un canal de discussion privilégié avec la Commission européenne qui ne négociait les priorités qu’avec les gouvernements. Il souhaitait que les organismes de recherche se concertent davantage pour peser sur les instances européennes et, à cette fin, a créé l’instance des EuroHorcs (European Heads Of Research Councils) (qui s’est réunie régulièrement jusqu’en 2011 puis a donné naissance à Science Europe) pour pallier l’inefficacité de l’ESF (European Science Foundation) comme plateforme de discussion entre directeurs généraux d’organismes de recherche européens.

Contexte national

  • 3 Jacques Bordé and Jean-Pierre Chevillot, « French R&D Policy: recent trends and current issues », (...)
  • 4 Nature, Vol 363, 20 May 1993, p. 200.

16En France, la LOP (Loi d’orientation et de programmation) a été votée en 1982. Les organismes, qui ont pris le statut d’EPST (Établissement public à caractère scientifique et technologique), ont évolué, mais leurs activités respectives se chevauchent trop souvent : les organismes dédiés à la recherche finalisée ont évolué vers la recherche fondamentale liée à leurs finalités, et le CNRS, consacré à la recherche fondamentale, a évolué vers des recherches fondamentales liées à des finalités. En 1993, la scène française des organismes de recherche apparaît donc relativement confuse. Arrive alors François Fillon qui devient ministre de la Recherche et apporte un élan nouveau en créant un ministère qui allie en son sein l’université et la recherche. Ses écrits de l’époque prouvent qu’il avait déjà la volonté d’aller vers l’autonomie des universités. Dix ans après la LOP, le ministre Fillon lance une consultation nationale sur la recherche, relance une activité de prospective, et introduit la notion de contrat entre les organismes de recherche et le Ministère, incluant des objectifs de résultats chiffrés. Par ailleurs, il crée un comité de pilotage stratégique qui dynamise le monde de la recherche en France. Il faut toutefois souligner que l’action de François Fillon en tant que ministre de la Recherche s’est inscrite non en rupture mais dans la continuité de ses prédécesseurs et que son but n’était pas tant de bouleverser les dynamiques en cours que de défendre efficacement le budget de la recherche au sein du gouvernement Balladur, but qu’il a atteint34.

  • 5 Denis Guthleben, Histoire du CNRS, de 1939 à nos jours, Armand Colin, Paris, 2009, 495 p.

17Au niveau interne du CNRS, la tempête mentionnée par Denis Guthleben à la fin de son livre sur l’histoire du CNRS5 s’est calmée depuis l’arrivée à la tête du Centre de François Kourilsky et, en 1993, le CNRS apaisé peut réellement élaborer et structurer une stratégie ambitieuse.

Le schéma stratégique de 1993 et les plans d’action (Jacques Bordé)

Le schéma de 1993

  • 6 Le schéma prospectif « 20 thèmes stratégiques pour le CNRS » d’avril 1985 contenait déjà plusieurs (...)

18Le premier schéma stratégique de 1990-1992 mettait en avant les thèmes de l’interdisciplinarité6, de l’ouverture à des partenaires multiples, ainsi que de la dimension régionale. Le schéma de 1993-1995 a repris ces sujets, en les reformulant de manière plus pertinente, et y a ajouté le renforcement des relations entre le CNRS et la société.

19Le schéma de 1993 a mis en lumière quatre idées forces :

  • rassembler les compétences pluridisciplinaires autour des enjeux majeurs de la science et de la société ;

  • renforcer tous les partenariats ;

  • renouveler la gestion des ressources humaines ;

  • déconcentrer, décentraliser, diversifier les modes de gestion.

20Les objectifs portés par ce schéma stratégique de 1993 étaient ainsi d’assurer la cohésion des programmes tout en organisant la recherche fondamentale à la fois en fonction des grandes orientations de la science et en anticipant les attentes de la société. Un autre objectif était de posséder un outil de dialogue en interne et en externe. François Kourilsky voulait notamment utiliser ce document pour bien expliquer urbi et orbi la position du CNRS dans la société ; il était très sensible à l’image de la science auprès des citoyens. Il citait fréquemment les attaques contre la science qu’il avait entendues, ces critiques qui la rendaient responsable des maux sociétaux : « La physique est responsable du nucléaire, la chimie de la pollution, la robotique du chômage, la biologie de la vache folle,… » et il avait à cœur d’y répondre en montrant que le monde de la recherche avait en fait une attitude consciente et responsable vis-à-vis de ces méfaits. Il s’était rendu au sommet de Rio en 1992, ce qui l’avait profondément sensibilisé aux questions de l’environnement et de sauvegarde de la planète ; en outre, dès 1994, il crée le Comité d’éthique des sciences du CNRS (COMETS) pour étendre la réflexion éthique à tous les domaines de la recherche qui n’étaient pas pris en compte par le CCNE (Comité consultatif national d’éthique), par exemple, au domaine de l’environnement (à cause de Rio) ou aux SHS (Sciences humaines et sociales), à cause des procès sur le révisionnisme. Des slogans comme « La science au service de l’homme » ou « La science au service de la société » sont apparus pour soutenir cette image du CNRS comme acteur conscient de ses responsabilités vis-à-vis des citoyens.

  • 7 Voir la note de François Kourilsky au conseil scientifique du 13 mai 1993 intitulée : « Comment ré (...)

21La préparation de ce schéma a nécessité d’importantes réflexions en interne et en externe, avec le ministère de tutelle tout d’abord : le 22 janvier 1993, un séminaire important a réuni, à Gif-sur-Yvette, toute la direction du CNRS et tous les chefs de départements du Ministère (MRE : ministère de le recherche et de l’éducation) afin de discuter des options stratégiques que le CNRS devait prendre. Il a permis à François Kourilsky de présenter à l’autorité de tutelle ses idées sur le rôle du Centre dans le système de recherche français ainsi que les grands axes retenus. François Kourilsky y fait un exposé sur les enjeux de société et sur la vocation de l’Établissement à y répondre. En conséquence, tous les départements scientifiques du CNRS (surtout, mais pas seulement, les Sciences pour l’ingénieur) sont invités à renforcer ou à créer des actions interdisciplinaires avec les SHS7.

22Ce souci des rapports science-société se traduit dans le schéma stratégique par des sections intitulées : « Un développement des sciences et des techniques mieux adapté aux besoins de l’homme » ou encore : « Les grands défis de la société ».

23En parallèle, le CNRS développe des discussions stratégiques avec la direction scientifique des grandes entreprises industrielles françaises ; ces discussions ont permis d’enrichir le contenu des thèmes scientifiques prioritaires ; le thème du « vieillissement », par exemple, nous a été suggéré par Jean-Jacques Duby qui travaillait alors pour une grande compagnie d’assurances (UAP : Union des assurances de Paris).

24Je n’entrerai pas ici dans le détail du contenu scientifique du schéma stratégique de 1993, mais retenez qu’il mettait déjà en avant la notion de « complexité », ce qui intégrait des aspects fort différents en recherche ; à titre d’exemple, je citerai l’intégration de la biologie systémique, ou l’intégration des échelles en physique.

25Ce schéma stratégique a effectivement représenté un formidable outil de dialogue, tant en interne qu’en externe. Avec Jacques Sevin, nous avons essayé de le diffuser en interne, jusque dans les laboratoires, lors de réunions organisées dans les délégations régionales ; les discussions avec les directeurs de laboratoires ont été fort éclairantes sur la perception que la base des chercheurs pouvait avoir de la nécessité et de l’utilité d’un schéma stratégique pour eux-mêmes et pour l’organisme qui les employait. En externe, il a servi efficacement à « vendre » le CNRS et ses priorités, notamment à la classe politique. Dans cette logique, François Kourilsky avait renforcé la communication institutionnelle avec les élus et les partenaires économiques et sociaux, à travers un service dédié, dirigé par Nicolas de Schonen, qui organisait des déjeuners-débats et publiait une lettre d’information intitulée La Note ; celle du 4 novembre 1993, La Note n° 4, était consacrée au schéma stratégique.

Les plans d’action de 1994

26Une fois le schéma stratégique publié, le 5 octobre 1993, il fallait le traduire en actions de recherche plus concrètes et François Kourilsky lance alors les départements sur l’écriture de « plans d’action » qui doivent décliner la stratégie de l’organisme dans chaque département. Une note présentée au comité de direction du 8 septembre 1993 leur donne le cahier des charges, le format, les questions auxquelles ce plan d’action doit répondre et un calendrier : il le faut pour décembre 1993. La DSP organise les discussions avec les directeurs scientifiques pour une procédure de mise en cohérence avec le schéma stratégique (note de Jacques Sevin aux DS du 23 novembre 1993) et, les 16 et 17 décembre 1993, un séminaire « stratégie » de la direction générale est organisé pendant deux jours dans un lieu résidentiel. Ce séminaire a permis de discuter en interne les évolutions du rôle et des missions du CNRS et des grands équilibres au sein de l’organisme. En particulier, l’axe stratégique de réponse aux enjeux de société a en effet généré un questionnement au sein de la direction sur l’équilibre souhaitable avec la recherche finalisée.

27Lors de ce séminaire, Jacques Sevin a présenté pour la première fois à la direction générale une approche nouvelle permettant de clarifier la classification et la terminologie des types de recherche et de montrer que l’ancienne représentation simpliste opposant recherche fondamentale (ou de base) et recherche appliquée devait être enrichie et affinée pour représenter correctement la notion de recherche finalisée (que certains identifiaient et continuent à identifier improprement à la recherche appliquée !).

  • 8 Donald E. Stokes (Princeton University) m’avait envoyé sur ce sujet en mai 1993 un document qui a (...)

28La représentation correcte que développaient à cette époque les chercheurs des science studies8 n’oppose plus recherche fondamentale et recherche finalisée, considérant qu’un sujet de recherche pouvait avoir à la fois un caractère très fondamental et un caractère très finalisé. Je prends l’exemple de la recherche sur la lutte contre le Sida ; elle est très finalisée, mais elle nécessite une approche très fondamentale. Les catégories de recherche ne se situent donc plus sur un seul axe à une dimension allant du fondamental à l’appliqué mais dans un plan à deux dimensions où le second axe représente le caractère plus ou moins finalisé de la recherche. La partie non finalisée de cet axe correspond à ce qu’on appelle la recherche de curiosité pure, la partie finalisée est la recherche qui correspond à un problème posé à la communauté scientifique par des acteurs dont on sait déjà qu’ils seront preneurs des solutions pour les appliquer : ce sont des questions posées par les industriels ou par la société. Le premier axe représente le caractère plus ou moins fondamental ou appliqué de la recherche : certaines des questions finalisées sont très difficiles et on ne sait même pas si elles ont une réponse ; elles comportent en conséquence une part importante de recherche fondamentale ; on peut en effet caractériser celle-ci par le fait que l’existence même d’une réponse est inconnue et qu’elle oblige à remettre en cause les fondements de la connaissance. Mais, si on trouve une solution à ces questions finalisées, on sait que ces solutions seront mises en œuvre rapidement par des acteurs de la société déjà demandeurs (Hubert Curien parlait de recherche « applicables »), contrairement à la recherche fondamentale de curiosité pure dont les découvertes donneront sans doute jour à des exploitations mais sine die (Cf. le laser qui est resté longtemps une découverte sans application, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui). Il existe donc une partie du plan où les recherches ont à la fois un degré de finalité élevé et un degré fondamental élevé ; malheureusement, encore aujourd’hui, certaines personnes utilisent une terminologie datée et opposent la recherche fondamentale à la recherche finalisée.

29En résumé, la vocation du CNRS est de ne financer que de la recherche fondamentale mais il existe deux types de recherche fondamentale : la recherche de curiosité pure, où le chercheur se pose lui-même les questions, et une recherche finalisée, où les questions sont posées par des industriels ou par la société (voire par une autre discipline scientifique). Le problème tient en l’équilibre qu’il convient de trouver entre ces deux types de recherches qu’il faut tous les deux préserver, même si la tentation des politiques et industriels est de favoriser la recherche finalisée, notamment au moyen des grands programmes nationaux. Bien des exemples ont montré que la solution à des problèmes finalisés était venue de recherche de curiosité pure menée hors programme finalisé ; on peut aussi dire qu’on n’aurait pas inventé le laser en voulant améliorer le bistouri !

30Les plans d’action demandés aux départements couvrent un champ plus détaillé que le schéma stratégique et vont plus loin dans la démarche programmatique. Surtout, ils fixent des objectifs et décrivent les actions et les ressources à mobiliser. Les documents finaux se sont ainsi trouvés en parfaite complémentarité avec le schéma stratégique.

31Les sept plans d’action 1994-1996 des sept départements ont été publiés début 1994, dans un joli coffret. Par la suite quelques PIR (Programmes interdisciplinaires de recherche) en ont publié aussi. On a réussi à avoir une cohérence certaine avec le schéma stratégique, c’est-à-dire qu’ils contiennent des paragraphes qui font explicitement référence à leur intégration dans ce schéma : complexité, défis de la société, partenariats, nouveaux outils de la recherche, pilotage stratégique d’actions…

32L’affichage d’objectifs était en fait une détermination de François Kourilsky pour l’ensemble de l’organisme : il voulait que chaque entité du CNRS, pas seulement les départements mais aussi les services administratifs, ait des objectifs, mesurables, avec des indicateurs associés ; il voulait créer de nouveaux postes pour des « contrôleurs de gestion qui fassent du pilotage stratégique de gestion », un peu comme un pilote d’avion vérifie que l’avion reste sur la bonne trajectoire pour atteindre son objectif. L’inspiration derrière tout cela venait de l’IMRI, l’Institut pour le management de la recherche et de l’innovation sis à l’université Paris-Dauphine et, à l’IMRI, de Dominique Jacquet, directeur de recherche à l’IMRI et professeur à Paris-Nanterre.

33La DSP n’avait pas écrit de plan d’action mais devait, elle aussi, définir des objectifs ; à cette fin, Jacques Sevin a organisé un séminaire de la DSP en mai 1994 à Gif-sur-Yvette pour passer en revue les objectifs de ses différents services.

34Par exemple :

  • l’UNIPS avait une liste impressionnante d’études en cours avec des échéances fixées ;

  • le SPM (Service de la Programmation des Moyens) étudiait les marges de manœuvre de la direction du CNRS dans la programmation des moyens d’action (emploi, création de labos, de TGE, de bâtiments, financement de programmes…) ;

    • 9 La politique de développement scientifique en région du CNRS, 1990-1998, rapport de la DSP pour le (...)

    la politique régionale devait négocier les contrats de plan État-Région, processus compliqué et qui correspondait à une marche forcée de régionalisation de la recherche française trop concentrée en Île-de-France9, ceci tout en respectant des objectifs très clairs sur le développement de projets scientifiques en région ;

  • le SAS, quant à lui, devait lancer le processus d’élaboration du schéma stratégique suivant, celui de 1996, tout en assurant le suivi de la mise en œuvre de celui de 1993 et des plans d’action.

Élaboration du schéma stratégique de 1996

35Un schéma stratégique du CNRS doit réussir un équilibre entre la poussée interne due aux chercheurs des laboratoires (qui définissent des axes de recherche prometteurs de leur point de vue) et la demande externe venant de la société (afin de répondre aux attentes de ceux qui, in fine, paient pour cette recherche). La direction d’un organisme joue le rôle d’une membrane (comme celle d’un organisme biologique) qui assure des échanges durables et profitables pour tous entre la vie interne à l’organisme et le milieu extérieur. Le schéma stratégique de 1993 avait tenu compte de la poussée scientifique interne en exploitant le rapport de conjoncture publié par le Comité national (CN) en 1992 qui avait ainsi fortement contribué à définir les orientations stratégiques au cœur du schéma de 1993 puis des plans d’action.

36La première chose qui nous est apparue était qu’il fallait reboucler sur le Comité national ce processus qui, s’appuyant sur le rapport de conjoncture du CN de 1992, avait conduit au schéma stratégique de 1993 puis aux plans d’action des départements de 1994, d’autant plus que le schéma de 1996 devait être préparé avant le prochain exercice de rapport de conjoncture par le CN suivant. Ce regard du Comité national paraissait donc nécessaire et on a souhaité que le CN puisse ré-intervenir, commenter l’exploitation par la direction générale de ce qu’il avait écrit en 1992 et dise ce qui allait et n’allait pas à la fin de ce processus avant de penser au schéma stratégique de 1996.

37Un schéma stratégique doit être approprié par tous les acteurs de l’organisme or c’était important de voir comment l’acteur central d’évaluation de la recherche le percevait pour éviter tout décalage entre la stratégie du groupe et celle des laboratoires. On voulait donc recueillir ses réactions au schéma de 1993, aux plans d’action, qu’il nous dise ce qu’on avait oublié d’important à ses yeux, ou ce qui était nouveau et qui avait changé entre-temps. Bref on voulait que le Comité national soit conscient que son travail était à la base du processus, n’était pas négligé et qu’il se sente le plus possible concerné par la politique scientifique et par la stratégie de l’organisme.

38Cette proposition est arrivée au moment même où le président du CNRS, Édouard Brézin (note du 4 juillet 1994) écrit aux présidents de section pour proposer au CN un exercice de veille sur les avancées scientifiques mondiales sous forme de fiches annuelles, ces fiches permettant de choisir les domaines où il faudra faire des synthèses plus approfondies, écrire des « cahiers de synthèse », se substituant au prochain rapport de conjoncture pour éclairer la direction du CNRS. Dans sa proposition, le président avait indiqué, précisément, « qu’il ne s’agirait plus, comme pour le rapport de prospective (de conjoncture, NDLR), d’obtenir tous les quatre ans une projection de l’avenir, centrée sur l’activité des laboratoires français, mais d’établir de manière permanente un tableau des progrès mondiaux ». Cette proposition entrait donc en synergie avec nos propres idées et était complémentaire de la contribution du CN que le SAS proposait. Elle résout un peu le problème lié au décalage entre le cycle de trois ans pour le schéma stratégique et celui de quatre ans pour le rapport de conjoncture ; ces deux nouveaux exercices du CN (veille permanente et commentaires de la stratégie du CNRS), qu’il faut manifestement coordonner pour préparer le prochain schéma stratégique, sont présentés par le président et moi-même à la réunion de septembre 1994 des présidents de section du CN. Devant toutes les questions qui se posent, je propose aux présidents de passer devant leur section à l’automne pour débattre avec chaque section

  • 10 « Élaboration du plan stratégique », note de la DPPB du 9 février 1987.

39Le remplacement au même moment de François Kourilsky par Guy Aubert complique un peu la situation car les deux schémas de 1990 et 1993 avaient été préparés par François Kourilsky avec un processus défini en 1987 dans une note de la DPPB (direction de la programmation et de la prévision budgétaire)10. Or, en juillet 1994, quand Guy Aubert arrive, il amène avec lui Jean Charvolin, autre physicien de Grenoble, pour étudier un changement de structure pour le CNRS. En fait ce qu’ils avaient en tête était de casser les départements existants pour n’en retenir que trois ou quatre.

40On ne sait donc pas de quel type d’organisme à venir on doit préparer la stratégie, ce qui induit un certain flottement sur l’élaboration de ce que l’on veut mettre en œuvre, donc sur l’apport que l’on souhaite demander au CN. Il s’avère que Guy Aubert, ayant d’autres urgences, nous laisse les mains libres pour avancer seuls et, d’une part, nous planchons devant toutes les sections du CN avec les propositions définies avant son arrivée, d’autre part nous en profitons pour faire une réflexion de fond sur la démarche d’analyse stratégique et sa mise en œuvre pour un organisme de recherche fondamentale tel que le CNRS.

Le marathon des quarante sections à la fin de 1994 :

41Cela a été très instructif de voir à quel point les membres du CN étaient à des années-lumière de la stratégie de l’organisme, ce qui n’était pas vraiment étonnant (déjà certains anciens DS (directeurs scientifiques) n’étaient pas convaincus par la notion de stratégie : « La stratégie du CNRS c’est du fétichisme verbal », disait Michel Fayard, directeur du département chimie).

42Sur l’élaboration des fiches et le choix de thèmes pour des cahiers de synthèse, les sections ont joué le jeu mais sans enthousiasme, étant en fin de mandat. Malgré tout, chacune d’entre elles a nommé un rapporteur, un correspondant stratégie qui a été plus ou moins actif mais, en fin de compte, on a recueilli des propositions de thèmes pour des cahiers de synthèse qu’on a essayé de concrétiser. Tout cela n’était cependant pas très satisfaisant et ce changement de procédure était plus compliqué que prévu : il laissait trop de place à l’arbitraire, à l’opportunisme de certaines sections pour mettre en avant leur propre domaine. Je suis donc repassé devant les présidents de section le 4 mars pour discuter de la poursuite de l’exercice.

43La conclusion a été qu’on avait suffisamment essayé ce nouveau processus pour pouvoir tirer les leçons de cet essai, qu’on aurait bien quelques cahiers de synthèse qui permettront de tester le système, mais que les deux types de rapports de conjoncture (le traditionnel de 1992 et la collection de cahiers de synthèse) avaient chacun leur intérêt mais qu’un changement radical et aléatoire ne s’imposait pas de façon évidente.

44Ce passage devant les sections nous avait finalement permis d’analyser les besoins et de penser à une proposition assez précise pour améliorer l’exercice traditionnel de conjoncture par le CN.

45Pour la stratégie, on avait besoin de connaître, d’une part les évolutions fortes de la science dans le monde entier et, d’autre part, les forces et faiblesses des labos du CNRS par rapport à ces évolutions. C’était ce qui était demandé dans les rapports de conjoncture précédents mais il fallait bien reconnaître qu’il y a eu un peu amalgame et confusion entre ces deux questions. En juin 1995, le SAS a alors proposé un exercice en deux temps : que le CN fasse l’analyse de la conjoncture scientifique mondiale dès son arrivée et qu’il attende la troisième et la quatrième année de son mandat pour analyser les forces et faiblesses du CNRS, c’est-à-dire après avoir examiné et évalué les laboratoires (le CN s’était d’ailleurs plaint de son manque d’expérience pour faire cette analyse dès la première année !).

46Pour l’analyse de la conjoncture mondiale, il restait à savoir comment on passait de la compétence disciplinaire des sections à des rapports thématiques interdisciplinaires plus utiles pour la stratégie, voire sur des thèmes de société comme l’énergie ou la santé ; cela avait déjà été fait dans le passé avec le rapport de conjoncture de 1989 qui était interdisciplinaire. Mais qui devait définir les thèmes ? En 1995, on proposait que ce choix de thèmes soit défini dans un deuxième temps et utilise le matériau disciplinaire sorti du rapport des sections, que ce choix de thèmes transversaux se fasse au niveau des conseils de départements et du Conseil scientifique. En fait pour des thèmes concernant « le groupe CNRS » (François Kourilsky aimait comparer le CNRS à une « Holding »), la direction générale devait s’impliquer pour évaluer ce dont elle aurait le plus besoin pour sa stratégie avant de décider ce que le prochain CN devrait faire en priorité. Donc, finalement, pour cette seconde phase, il fallait attendre que Jean Charvolin ait avancé dans sa mission sur la structure de la future direction générale. En attendant, nous avons demandé au CN de publier en 1996 un rapport de conjoncture fait de quarante chapitres correspondant aux quarante sections, donc purement disciplinaires et je crois que l’exercice s’est arrêté là.

La démarche d’analyse stratégique

47Durant l’année 1995, pendant que se poursuivait la préparation du rapport de conjoncture de 1996, au SAS, nous avancions en parallèle sur la démarche d’analyse stratégique pour construire un outil méthodologique qui serve aussi bien à la nouvelle direction générale qu’aux chercheurs. J’étais convaincu, à l’époque, de ce que j’appelle la structure fractale de la politique scientifique et que les mêmes questions stratégiques se posent à l’échelle d’un organisme comme le CNRS et à l’échelle d’un laboratoire (voire d’un chercheur individuel) lorsqu’on cherche à équilibrer la poussée scientifique interne de curiosité et les paramètres externes de partenariat, de financement, de risques, d’évaluation… On voulait donc une méthodologie compatible à tous les niveaux (DG, DS, programmes, laboratoires) qui permette de relier l’analyse stratégique aux décisions opérationnelles à chacun de ces niveaux.

  • 11 « Démarche d’analyse stratégique », Service d’analyse stratégique, 28 novembre 1995, 30 p.
  • 12 « Mise en œuvre de la démarche d’analyse stratégique : quelques principes généraux et un scénario  (...)

48Cela a abouti au document « Démarche d’analyse stratégique » de décembre 1995. Je ne vais pas entrer dans le détail, ce serait trop long et trop technique (les documents existent1112) mais on proposait une segmentation du CNRS (ou du département, ou du laboratoire selon l’entité analysée) en domaines scientifiques et pour chaque segment de faire des analyses selon trois logiques : la logique scientifique, la logique de partenariat et la logique institutionnelle. Chaque analyse se faisait en utilisant des techniques déjà bien utilisées par l’industrie et proposées par Pascal Croset, techniques avec lesquelles il avait été familiarisé dans ses études sur la gestion, par exemple la technique de la matrice atouts/attraits et forces/faiblesses (en anglais, matrice SWOT, Strengths, Weaknesses, Opportunities, Threats) développée par le Boston Consulting Group (BCG).

49Pour s’assurer de l’appropriation de cette démarche d’analyse stratégique jusqu’au niveau des laboratoires, une formation permanente des directeurs d’unités a été mise en place et assurée par Pascal Croset pour les familiariser avec cette méthode en prenant comme objet d’analyse le laboratoire et en s’appuyant sur des études de cas.

  • 13 « Position du CNRS vis-à-vis du cinquième PCRD », mars 1996.

50Il s’est avéré que la direction générale était trop préoccupée, en 1996, par d’autres sujets -la mission Charvolin, le déficit budgétaire entre les AP (autorisations de programme) et les CP (crédits de paiement) - pour mettre en place cette machinerie d’analyse stratégique qui était assez lourde, il faut le dire. Dans l’urgence des demandes ministérielles ou autres, on a donc avancé sur des documents stratégiques ponctuels élaborés sans la méthodologie nouvelle mais de façon traditionnelle, c’est-à-dire avec un groupe de travail et des discussions avec les départements scientifiques puis en Comité de direction ; je pense notamment au document sur la stratégie européenne du CNRS que j’ai rédigé en 1995 et qui a été discuté en Comité de direction le 15 décembre et publié en mars 199613 ; ce document nous a bien servi pour définir la position du CNRS vis-à-vis du cinquième PCRD qui se préparait à Bruxelles, pour dialoguer sur ce sujet à la fois avec notre Ministère qui nous interrogeait et avec la Commission européenne qui ne nous demandait rien mais qu’il fallait tout de même influencer si possible (via le CLORA – Club des organismes de recherche associés - et les EuroHorcs).

  • 14 « Session plénière du Comité national », Unesco, février 1990.

51L’élaboration de la stratégie suppose évidemment une réflexion préalable sur des sujets de politique scientifique très variés : la notion de programme, celle de recherche finalisée, d’emploi scientifique, de partenariat avec l’industrie, celle enfin de prospective. Cette réflexion sur la recherche est effectuée à l’université par les chercheurs spécialisés dans ce qu’on appelle les « Science Studies » mais elle était peu exploitée par les décideurs au siège du CNRS. François Kourilsky la connaissait un peu et avait fait appel occasionnellement à certains chercheurs (Michel Callon était intervenu à l’Unesco sur le thème de l’interdisciplinarité14) mais Guy Aubert et Jean Charvolin en étaient très éloignés, ils étaient même méfiants vis-à-vis de ce milieu SHS des « Science Studies ». Pour animer au siège du CNRS la réflexion sur les questions de politique scientifique, nous avons alors lancé les séminaires de politique scientifique, à l’heure du déjeuner, où on invitait les universitaires spécialistes de la « recherche sur la recherche » appartenant à divers domaines : économistes, sociologues, philosophes, politologues, historiens des sciences ; nous avons co-organisé ces séminaires avec l’OST (Observatoire des sciences et des techniques, que dirigeait Rémi Barré), pour associer à la réflexion les responsables d’autres institutions de recherche et de ministères et que ce ne soit pas perçu comme le CNRS imposant ses vues ; il s’agissait au contraire de pouvoir débattre librement de questions sensibles en confrontant les résultats universitaires aux conceptions des dirigeants de la recherche française ; il y a eu près d’une quarantaine de séminaires jusqu’en 2000 sur des sujets extrêmement variés touchant à toutes les questions de politique scientifique.

52En même temps, j’avais fait venir au siège pour quelques mois une grande figure des « science studies » : John Ziman, ancien physicien reconverti, dont les livres sur tous les aspects de l’organisation de la science faisaient autorité et qui nous a beaucoup aidés à faire des comparaisons internationales entre les systèmes de recherche, notamment sur la notion de programmes.

53Un autre sujet, en amont de la stratégie, est la prospective et un club Crin (Club de relation industrielle) dans ce domaine, horizontal par rapport à tous les autres clubs Crin venait d’être créé en 1993 ; j’y représentais le CNRS, pas très à l’aise car l’activité du Centre en la matière n’existait pas vraiment, ni au niveau des chercheurs (car la prospective n’est pas une discipline scientifique), ni à celui de la direction (malgré l’activité de Pierre Papon dans ce champ) : il y avait bien eu de nombreux rapports intitulés « rapports de prospective » mais ce que l’on qualifiait de tel était en fait de la conjoncture ou de la programmation à long terme ; je pense aux rapports de prospective en astronomie, par exemple.

54Si on avait fait de la vraie prospective, peut-être aurait-on lancé des programmes comme le PIR-villes dix ans plus tôt mais on me rétorquait que le budget ne permettait déjà pas d’attaquer les problèmes présents, donc encore moins les problèmes hypothétiques à venir. C’est regrettable car un programme de recherche met plusieurs années à porter ses fruits et qu’il vaut mieux anticiper les problèmes que l’on devra résoudre.

55Venons-en maintenant aux programmes et à la mise en œuvre de la stratégie.

La mise en œuvre et les programmes 

56Pour appliquer une stratégie, il faut disposer de moyens d’incitation pour la mettre en œuvre avec les chercheurs ; le thème de l’incitation dans la recherche est un thème délicat à manier, vu la « liberté historique » des chercheurs, liberté nécessaire à leur créativité. Le CNRS a pratiqué en fait depuis longtemps l’incitation, avec des outils qui se sont appelés ATP (Action thématique programmée), RCP (Recherches coopératives sur programme), Greco (Groupement de recherches coordonnées), PIR (Programme interdisciplinaire de recherche), Atipe (Action thématique incitative sur programme et équipe), postes fléchés,… mais cette incitation était à la marge des financements des laboratoires et venait en complément de crédits récurrents qui, dans les années quatre-vingt, constituaient encore l’essentiel de leur financement. En 1993, il y avait en France un nouvel acteur de poids dans la pratique de l’incitation de la recherche avec la montée en puissance des programmes européens du PCRD qui réorientaient peu à peu l’activité de nos laboratoires. Philippe Larédo du Centre de sociologie de l’innovation avait d’ailleurs publié une étude approfondie sur ce sujet. Nous avions alors constitué un petit groupe de réflexion inter-organismes sur le thème de l’incitation, avec des partenaires tels que l’Inserm, l’Inra et avec Michel Callon ou Philippe Larédo, pour comparer nos méthodes et principes d’incitation dans les organismes de recherche.

  • 15 « La démarche d’analyse stratégique du CEA », note du SAS, 2 août 1994.
  • 16 « L’évaluation des programmes et des politiques au CNRS », note de Pierre Papon du 3 juin 1986.

57Au cours de la réflexion sur la démarche stratégique, nous avons ainsi discuté et comparé notre approche avec l’élaboration de la stratégie au sein d’autres organismes (je suis intervenu dans un séminaire « stratégie » organisé par le Cirad par exemple). En particulier, les discussions avec le CEA ont été une source d’inspiration fructueuse : Philippe Garderet, qui y élaborait la stratégie, nous avait expliqué en détail la structure matricielle de la politique scientifique au CEA avec des programmes horizontaux qui couvraient 100 % de l’activité de recherche du Commissariat15. Au CNRS, la culture des programmes n’était pas très développée, malgré les PIR créés en 1976 et une note de réflexion sur ce sujet du directeur général Pierre Papon en 198616. Il n’était pas question d’organiser la totalité de la recherche du CNRS en programmes mais on pouvait faire davantage que les PIR et, en 1996, dans la suite de la démarche stratégique et des plans d’action des départements, surgissait le besoin de définir des programmes au CNRS comme moyens incitatifs.

58On a alors commencé, dès mars 1996, une grande série de discussions avec les départements scientifiques sur de grands domaines jugés « programmables », partagés en sous-domaines, et en forçant un peu insidieusement lesdits départements à appliquer la démarche d’analyse stratégique qu’on avait élaborée (forces faiblesses, partenariats, impact social, potentiel d’avenir,….). À la suite de nombreuses séances de travail, ont été constitués, pendant l’été 1996, près de cent-soixante « dossiers-programmes » à examiner et à mettre en cohérence avant de les sélectionner.

  • 17 « L’heure des choix stratégiques », Le journal du CNRS, n°85-86, janvier-février 1997.
  • 18 « La programmation scientifique du CNRS », dossier du Journal du CNRS, n°88, avril 1997.

59Cet exercice a été très soutenu par Guy Aubert17 et c’est pour cela qu’il a pris de l’ampleur ; son avantage était d’avoir des discussions assez collectives sur les choix stratégiques et interdisciplinaires ; il a permis aussi d’anticiper les décisions du CIRST (Comité interministériel pour la recherche scientifique et technologique) d’octobre 1996 et de préparer facilement le dossier demandé par le Ministère en préambule à ce CIRST. Le 20 mars 1997, le Conseil d’administration a entériné le processus et vingt-trois nouveaux programmes seront alors lancés18, regroupés en cinq grands domaines, tous fortement interdisciplinaires (quatre départements concernés pour plus de la moitié des programmes) et stratégiques par leur ouverture vers des partenariats publics ou privés. Ils étaient représentés dans des schémas colorés qui ont été surnommés les « marguerites ». En fait on mettait en place un financement de la recherche par projets qui a eu beaucoup de succès.

  • 19 « Aspects éthiques du financement public de la recherche sur projet », COMETS, 28 juin 2010.

60Malgré cela, le CNRS ne s’était pas transformé entièrement en organisme de recherche finalisée, « la part d’actions sur programmes du CNRS passant seulement de 18 % à 23 % de l’ensemble des moyens des laboratoires » (Jacques Sevin, cf. note 18). Aujourd’hui encore l’équilibre idéal entre l’incitatif et le récurrent est un sujet de débat. Cela est dû à la place actuelle, très prégnante, de l’ANR (Agence nationale de la recherche) qui force peu ou prou les chercheurs à répondre aux incitations pour avoir suffisamment de fonds. De ce fait, le choix des thèmes de l’incitation et ses modalités de mise en œuvre soulèvent des questions, notamment éthiques sur l’instrumentalisation de la recherche à des fins politiques. En conséquence, le COMETS s’est autosaisi de ce problème et a publié un avis en 201019.

Conclusions et frustrations

  • 20 K.E. Drexler, Engines of creation: The Coming Era of Nanotechnology, New York, Anchor Books, 1986. (...)

61En conclusion, il faut dire d’abord que cette période a été une époque de réflexion stratégique intense grâce à des directeurs généraux très motivés et à une DSP très expérimentée et stimulée. Non seulement, le contenu scientifique du schéma stratégique qui mettait en avant la notion, dès 1993, de « complexité » s’est révélé visionnaire, au vu de l’importance centrale que la maîtrise de la complexité revêt encore aujourd’hui, mais en plus l’accent, dans ce schéma, sur une interaction bien comprise entre la science et la société, était tout aussi visionnaire des problèmes actuels de la relation science-société. Cette époque a donc enrichi considérablement mon interrogation sur la responsabilité sociétale des chercheurs et de ceux qui fixent les priorités scientifiques. C’est précisément pour répondre à cette interrogation que j’ai été conduit, à partir de 2001, à développer la réflexion sur les questions éthiques liées à la recherche et à ses finalités : si on lance un programme prioritaire qui peut conduire à créer des monstres, ne doit-on pas simultanément lancer un programme qui permette de renforcer les cages ?20

62Les retombées de ce travail sur la stratégie ont cependant été légèrement frustrantes car :

  1. L’arrivée de Claude Allègre, comme ministre de la Recherche a été catastrophique pour la stratégie de l’organisme puisqu’il déclarait, schématiquement, que le CNRS n’avait pas à avoir une stratégie propre mais qu’il devait se contenter d’appliquer la stratégie du Ministère et cela ne s’est pas beaucoup amélioré après lui. Le CNRS n’a plus élaboré de document stratégique suffisamment fort pour imposer sa stratégie à l’échelon national.

    • 21 Jacques Bordé, « How to manage science in 21st century Europe? », Physics World, June 1991, p. 17.

    Les programmes, s’ils ont bien vécu quelques années, n’ont pas acquis la dimension européenne que j’espérais pour eux. L’écriture du document stratégique sur la politique européenne du CNRS m’avait convaincu que le Centre avait une carte maîtresse à jouer en Europe pour équilibrer l’action centrale de Bruxelles par des actions multilatérales directement pilotées entre organismes et devenir ainsi le moteur de la construction du futur « Espace européen de la recherche ». Ainsi, dès 1991, j’avais préconisé dans un article paru dans Physics World21 la création d’un European Research Council (ERC). J’avais accepté le poste de directeur des affaires européennes avec l’espoir d’étendre les programmes du CNRS à des partenariats avec d’autres organismes de recherche européens (les thèmes prioritaires étaient un peu les mêmes dans tous les pays) où le CNRS aurait facilement eu le rôle de locomotive, étant le plus gros organisme. J’ai proposé sans succès, dans une note à Catherine Bréchignac qui a succédé à Guy Aubert, de créer un Eureka de la recherche fondamentale. Finalement les programmes de 1997 sont restés franco-CNRS et ce que j’avais en tête a fini par se faire dix ans plus tard, via les EuroHorcs et via le « European Research Council (ERC) » que j’avais imaginé en 1991 mais qui fut créé seulement en 2007. Pour résumer, j’avais pensé à tout cela un peu trop tôt. En ne prenant pas l’initiative en 1997 pour orienter la politique scientifique européenne, le CNRS s’est retrouvé en compétition avec des organismes plus petits mais qui, ayant fait alliance entre eux, sont devenus plus influents que lui et il a peut-être raté l’occasion de devenir le leader européen des organismes de recherche fondamentale dont j’avais fantasmé.

63Mais tout ceci est une autre histoire.

Hommage :

64François Kourilsky nous a quittés le 31 mai 2014 et les auteurs désirent lui rendre hommage pour sa haute vision de stratège, à la fois pour la recherche scientifique et pour l’organisme CNRS. Ils lui sont reconnaissants pour sa passion, sa détermination et son inspiration constantes qui ont permis de construire la démarche stratégique du CNRS décrite dans cet article.

Séance de questions/réponses

Michel BLAY

65Je n’ai jamais compris l’intérêt des contrats entre l’État et le CNRS. À mon avis, ils n’ont pas de justification scientifique, et sont le fruit d’une pure raison idéologique. Ces contrats ont-ils servi à quelque chose ? À mon sens, ils ont en tout cas des conséquences fortes sur la vie scientifique, en alourdissant considérablement son fonctionnement.

Jacques BORDÉ

66Cette logique devait se traduire ensuite dans des contrats entre les directions scientifiques et leurs laboratoires. Il faut toutefois distinguer deux sortes de contrats : les contrats tripartites universités-ministère-organismes ; les contrats entre les organismes et l’État. Pour notre part, nous avons finalement échappé à ces derniers mais pas aux premiers. Quant aux organismes qui y ont été soumis (CEA, Inra…), ils ont dû définir une stratégie, argumenter sur leurs priorités, bref, amorcer une réflexion en interne.

Jacques SEVIN

67Je partage les doutes de Michel Blay quant à la pertinence des contrats d’État !

Daniel THOULOUZE

68Il serait intéressant d’analyser la réalisation au niveau des laboratoires et des différents départements. La majorité des laboratoires sont associés en partenariat avec des universités. Les chercheurs et les instances universitaires doivent être convaincus de la pertinence d’un projet de recherche. Je crois que les contrats ont servi à orienter les laboratoires et leurs activités, mais cela ne s’est pas fait de manière aussi nette que vous l’avez présenté. Concernant les partenariats décrits avec les entreprises, je ne suis pas sûr que cela corresponde à la réalité globale du CNRS. En effet, les entreprises n’étaient pas tant intéressées par la recherche finale du CNRS que par la recherche fondamentale, qui permettait à ces entreprises de travailler avec les laboratoires de recherche dans la même direction.

Jacques SEVIN

69Au fil des années, les organismes ont retrouvé une vision plus finalisée, plus fondamentale. L’exemple de l’INSERM en la matière est frappant. Mais la notion de recherche interactive – le fait que les laboratoires interagissent avec d’autres acteurs – ne doit pas être négligée ; il est un complément important de la recherche finalisée. Le mot innovation est très important, et je regrette qu’il n’ait pas été prononcé ce soir.

Florence BOUILLE

70Quand et pourquoi la MRCT (Mission ressources des compétences technologiques) a-t-elle été créée ?

Jacques SEVIN

71La MRCT a été créée parce que le CNRS ne se définit pas uniquement par des métiers fondamentaux, mais aussi par des métiers techniques. La MRCT était une façon de valoriser ces métiers, et de solidariser des communautés techniques.

Jacques BORDÉ

72On s’est rendu compte que les gens ne se connaissaient pas suffisamment, et fonctionnaient trop en doublon. L’information devait percoler davantage d’un département à l’autre, ainsi que le transfert des compétences entre différents départements. La création de la MRCT a permis d’optimiser et de dynamiser le travail en réseau des ITA au sein de tout le CNRS.

Denis GUTHLEBEN 

73J’ai une question relative à l’interdisciplinarité. Selon moi, ce sujet a commencé en 1975, à travers les PIR. Qu’en pensez-vous ?

Jacques SEVIN

74Vous avez raison, mais l’interdisciplinarité a été décuplée avec l’arrivée de François Kourilsky, et le séminaire de Biarritz. Les « marguerites » témoigneront plus tard de l’accélération du mouvement interdisciplinaire au sein du CNRS.

Jacques BORDÉ

75L’interdisciplinarité est de longue date un sujet de préoccupation au CNRS et le PIRDES (Programme interdisciplinaire de recherche pour le développement de l’énergie solaire, NDLR) en1976 en est un des premiers outils incitatifs. On peut par ailleurs se poser la question de savoir si certains domaines nouveaux sont interdisciplinaires ou bien constituent de nouvelles disciplines, par exemple la biologie moléculaire. Je rappelle qu’un colloque de 1990, à l’Unesco, que j’ai cité, avait posé la question du redécoupage du Comité national et a affiné la réflexion sur les concepts de multidisciplinarité, ou interdisciplinarité. Le sujet « environnement » a par ailleurs provoqué des réflexions fortes sur l’interdisciplinarité – a-t-on besoin des disciplines pour organiser la recherche et la formation ? En 1994, l’ouvrage de Gibbons sur le mode 2 de la recherche - le passage d’une structure disciplinaire à une structure par objectifs – a constitué une étape importante.

Un intervenant

76Vous n’avez pas évoqué la notion de continuité dans la recherche. Lorsque les financements des PIR ont pris fin, des équipes se sont trouvées devant un vide inquiétant… On peut retrouver ce problème à plus grande échelle, aujourd’hui avec l’ANR par exemple.

Jacques SEVIN

77Kourilsky avait eu l’idée d’organiser les programmes interdisciplinaires en filiales communes des départements ; cela n’a pas fonctionné. Les départements n’étaient guère enclins à consacrer leurs budgets à autre chose qu’aux actions qu’ils maîtrisaient directement, de sorte qu’on en est revenu au financement à la source.

Jacques BORDÉ

78J’ai été témoin de rapports très conflictuels entre directeurs de PIR et directeurs de départements, ces derniers estimant qu’ils n’avaient pas à financer des projets décidés par les premiers. L’idée de l’interdisciplinarité était donc d’organiser une rencontre d’intérêts, autour d’un projet et de ressources incitatives. Cela n’a pas bien fonctionné mais les PIR ont eu une utilité certaine.

Denis GUTHLEBEN

79Je vous remercie.

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Notes

1 Campus n°16, janvier–février 1996, supplément consacré à la DSP.

2 John Ziman, Prometheus Bound: Science in a dynamic steady state, 1994, Cambridge University Press, 300 p.

3 Jacques Bordé and Jean-Pierre Chevillot, « French R&D Policy: recent trends and current issues », Science and Technology Policy, October 1994.

4 Nature, Vol 363, 20 May 1993, p. 200.

5 Denis Guthleben, Histoire du CNRS, de 1939 à nos jours, Armand Colin, Paris, 2009, 495 p.

6 Le schéma prospectif « 20 thèmes stratégiques pour le CNRS » d’avril 1985 contenait déjà plusieurs thèmes interdisciplinaires.

7 Voir la note de François Kourilsky au conseil scientifique du 13 mai 1993 intitulée : « Comment réintégrer les sciences de l’homme et de la société dans les filières technologiques », ou la note du 16 décembre 1992 d’Alain d’Iribarne, directeur des SHS, intitulée : « L’interdisciplinarité entre les sciences de l’homme et de la société, les sciences de la nature et les sciences de la vie ».

8 Donald E. Stokes (Princeton University) m’avait envoyé sur ce sujet en mai 1993 un document qui a donné lieu, en 1997, au livre : Pasteur’s quadrant: Basic Science and Technology Innovation, Brookings Institution Press, Washington D.C, 196 p.

9 La politique de développement scientifique en région du CNRS, 1990-1998, rapport de la DSP pour le conseil scientifique du 22 novembre 1994.

10 « Élaboration du plan stratégique », note de la DPPB du 9 février 1987.

11 « Démarche d’analyse stratégique », Service d’analyse stratégique, 28 novembre 1995, 30 p.

12 « Mise en œuvre de la démarche d’analyse stratégique : quelques principes généraux et un scénario », Service d’analyse stratégique, 28 novembre 1995.

13 « Position du CNRS vis-à-vis du cinquième PCRD », mars 1996.

14 « Session plénière du Comité national », Unesco, février 1990.

15 « La démarche d’analyse stratégique du CEA », note du SAS, 2 août 1994.

16 « L’évaluation des programmes et des politiques au CNRS », note de Pierre Papon du 3 juin 1986.

17 « L’heure des choix stratégiques », Le journal du CNRS, n°85-86, janvier-février 1997.

18 « La programmation scientifique du CNRS », dossier du Journal du CNRS, n°88, avril 1997.

19 « Aspects éthiques du financement public de la recherche sur projet », COMETS, 28 juin 2010.

20 K.E. Drexler, Engines of creation: The Coming Era of Nanotechnology, New York, Anchor Books, 1986. Traduction française : Engins de creation, Paris, Vuibert, 2005.

21 Jacques Bordé, « How to manage science in 21st century Europe? », Physics World, June 1991, p. 17.

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References

Bibliographical reference

Jacques Bordé and Jacques Sevin, “Administrer le CNRS... toute une histoire! Le CNRS dans les années quatre-vingt-dix: une stratégie et des programmes”Histoire de la recherche contemporaine, Tome V - N°1 | 2016, 6-20.

Electronic reference

Jacques Bordé and Jacques Sevin, “Administrer le CNRS... toute une histoire! Le CNRS dans les années quatre-vingt-dix: une stratégie et des programmes”Histoire de la recherche contemporaine [Online], Tome V - N°1 | 2016, Online since 15 June 2018, connection on 29 March 2024. URL: http://journals.openedition.org/hrc/1186; DOI: https://doi.org/10.4000/hrc.1186

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About the authors

Jacques Bordé

Jacques Bordé a commencé sa carrière en 1967 au CNRS comme chercheur en spectroscopie moléculaire, et l’a poursuivie à la gouvernance de l’établissement à partir de 1979, auprès du directeur général autour des questions de politique scientifique. Il a ensuite représenté le CNRS à Londres de 1985 à 1993, puis aux côtés de Jacques Sevin, a été nommé directeur adjoint pour la stratégie avant de devenir, en 1996, directeur adjoint des relations internationales. À partir de 2001, les questions soulevées par la politique scientifique l’ont amené à focaliser son action sur les relations entre la science et la société, au sein du Comité d’éthique du CNRS (COMETS).

Jacques Sevin

Jacques Sevin a consacré sa carrière à la politique scientifique. De retour des États-Unis où il avait participé aux travaux très innovateurs développés à Harvard et au MIT, il rejoint la DGRST où il devient responsable de la planification de la recherche. Membre du comité d’organisation du colloque national de 1981, il participe à la rédaction de la loi d’orientation et de programmation (LOP) de 1982, et rejoint ensuite le CNRS où il a été en charge d’une direction de la programmation budgétaire puis de la stratégie et des programmes.

By this author

  • Hubert Curien a été délégué général à la recherche scientifique et technique de 1973 à 1976. Il a succédé à un autre physicien, Pierre Aigrain, et il a eu pour successeur Bernard Gregory, également physicien. Depuis la guerre, en France et ailleurs, la politique scientifique était affaire de physiciens.
    Hubert Curien at the GDSTR
    Published in Histoire de la recherche contemporaine, Tome V-N°2 | 2016
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